Le parti-pris, relevé vertement par quelques-uns des commentaires, est simple : ma vie n'est pas normale, et tant mieux. Comme ça, le matin, au réveil, en ce deuxième jour d'une année qui débute, ça donne envie de réfléchir. Et moi, ça me donne envie de dire que l'on est toujours l'anormal de quelqu'un d'autre. Poncif s'il en est...

Je suis tout ce que Solveig n'est pas, probablement, capitaliste, profiteuse, j'ai envie d'avoir de l'argent, une maison de banlieue tranquille et simple, des enfants qui iront à l'école du coin, de faire des voyages, de rentrer chez moi le soir et d'y trouver l'homme que j'aime. Le squat, très peu pour moi. Je suis allée voir, j'y ai passé quelques jours, l'année dernière, lors d'une semaine non mixte. Et j'ai eu droit, lorsque j'ai fini par dire qui j'étais, ce que je faisais dans la vie, de la communication, du marketing, toutes ces choses auxquelles les femmes que j'ai rencontrées sont viscéralement opposées, à des regards qui allaient de l'étonné au dégoûté. C'était moi l'anormale, la bizarre. J'ai essayé de me justifier, ou plutôt tenté d'expliquer, mais j'ai rencontré beaucoup de regards fermés, d'oreilles sourdes. D'autres pas, bien sûr, ne tombons pas dans la caricature opposée. Se sentir freak parmi les freaks était une expérience on ne peut plus intéressante, qui me permet de dire aujourd'hui que finalement, la bizarrerie est toute relative. On est toujours le bizarre du voisin. Je crois finalement que ce qui est important, ce n'est pas tellement de dénoncer, de faire différent, de se battre, mais d'être soi. Que pour être soi, il faut de toutes façons dénoncer, faire différent, se battre. Certains dénonceront le confort de cette société où tout fonctionne, d'autres l'anarchie, d'autres encore la dépendance, ou le stress, ou la pub, ou l'argent, ou la flemme, ou le point de croix. Peu importe, en définitive, la croisade que l'on mène, pourvu qu'elle nous permette de dire simplement "je vis".

Et j'irai plus loin, je dirais même que m'inscrire en faux n'est pas ce que je veux. J'en ai assez de me définir contre, je préfère me définir pour. Pour la tranquillité, pour le confort, pour le sourire que m'apporte celui qu'esquisse l'homme que j'aime quand il me voit. Finalement, peu m'importe d'épater, de déranger, d'être comprise ou pas. Tant que je suis bien dans mes baskets et que je n'essaie pas de les refiler au voisin, sous prétexte que celles que je porte sont mieux, ou plus confortables, ou même plus saines, je m'estime heureuse. Cela n'empêche pas de vouloir montrer aux autres le chemin que l'on emprunte l'espace d'un instant, histoire de tenter de partager, ou de se conforter dans l'idée qu'on a eu raison d'aimer. Cela n'empêche pas de dire que le bonheur est difficile, ou qu'au contraire, il est tout con. Cela n'empêche pas de vivre.