Le plus extraordinaire dans cette histoire, est que depuis que je suis en Allemagne, mon admiration pour les trains français, et notamment le TGV, a carrément baissé. Nous avons pris il y a quelque temps un train pour Berlin. Tip top. Assise confortable, réservation électronique de la place (qui donne en digital très futuriste l'état des places, réservées ou libres), fauteuil ajustable, affichage de la vitesse et des annonces sur un panneau lumineux (lui aussi digital), écran plasma dans le bar qui sert de la bière dans des verres à bière, bref, la classe. Notre TGV a beau aller vite, il fait bien pâle figure avec ses fauteuils bleu-verts un peu décrépits. Donc disais-je la DB avait donné un choc à mon chauvinisme de base, qui me faisait dire que les trains français étaient les meilleurs du monde. Sauf que, ils ont de beaux trains...mais les prendre, c'est une autre histoire.

La DB a un site. Jusque là, normal. Sauf que ce site est absolument incompréhensible pour quiconque n'a pas fait polytechnique, l'ENA et possède au moins trois MBA. Trouver des horaires, passe encore. Enfin, l'aller. Parce que "choisir l'aller" pour pouvoir "choisir le retour", j'y ai déjà passé vingt minutes (véridique). Nous mettrons cela sur le compte de mon allemand chancellant. Bref, moins intuitif que le site de la Deutsche Bahn, tu meurs. Donc, je décide, battue d'avance, d'aller acheter mon billet à la gare. En espérant que la DB prend les cartes de crédits (encore un truc qu'il faudra que je raconte, ça, les cartes de crédit en Allemagne).

Je m'extirpe donc de mon appartement douillet, pour déneiger ma voiture et je vais à la gare (avec la trouille au ventre, la gare est en bas de la colline, j'ai des pneus d'été). J'arrive à la gare de Königstein, je vois sur la porte "Fahrkarten" (billets), signe de bon augure. Bernique. "Ich möche bitte eine Fahrkarte", dis-je dans mon plus bel allemand. Nach Frankfurt? me demande la dame. A ce stade, je commence à avoir des doutes, il n'y a dans ce bureau qu'un ordinateur et la dame est au bar en train de servir des bières. Nein, nach Paris. Ah ben non, c'est pas possible, pour cela il faut aller à l'agence de voyage. Pardon ? L'agence de voyage, au centre-ville. Bon. En France, dans le moindre mini village doté d'une gare desservie par la SNCF, on peut acheter des billets pour Tombouctou (si tant est qu'on puisse aller à Tombouctou en train, mais c'est une autre histoire). On va dire que Königstein est un bled et que donc non, on ne peut pas acheter de billet pour la France (qui est, comme chacun sait, au moins aussi loin que Tombouctou). Je pars, dépitée. Pas question d'aller à l'agence de voyages, on ne peut pas se garer au centre-ville, puis quand même, c'est débile, d'aller dans une agence de voyage pour acheter un billet de train.

Je reprends donc ma voiture et au péril de ma vie (j'ai toujours les mêmes pneus, il a neigé la veille), je pars à Bad Soden. Dans mon esprit, Bad Soden est une métropole. De Königstein, il y a un train pour Francfort tous les 36 du mois, donc on peut imaginer qu'il n'y ait pas de billets pour Paris, de Bad Soden, il y en a un toutes les demi-heures, ça devrait le faire. Me voilà donc arrivée à Bad Soden. Ich möchte bitte eine Fahrkarte, nach Paris (un billet pour Paris, s'il vous plaît). Alors, là, c'est pire. Le gars, qui vend des croissants, en fait, me regarde comme si je débarquais de la planète Mars, et me dit Ah non, pour les billets, il faut aller à l'agence de voyage. Je sens que je vais craquer. L'agence de voyages ? Oui, il y en a une pas très loin. Il m'indique où aller. Là, je sors de la gare en maugréant que quand même ce pays est attardé, pas de billets de train dans une gare !

Je pars donc en direction de l'agence de voyage. Il a parlé de deux agences différentes, je me souviens de la deuxième. J'arrive. Même litanie. Ich möchte... etc. Désolée, nous ne faisons pas les billets de train, dit la dame avec un grand sourire. Alors là, je craque. Mais c'est quoi ce pays ?, dis-je, un tantinet énervée. Euh, nous ne faisons pas les billets de train, mais vous pouvez aller à l'autre agence de voyages me répond la dame, sourire collé au visage. Je pars en lui disant que je trouve cela quand même extraordinaire, un pays où on ne peut pas acheter de billet à la gare.

Et j'arrive enfin à la dernière étape de ce parcours du combattant, la dernière agence de voyage. Je me méfie cependant, ça fait trois fois qu'on me fait le coup. Ich möchte nach Paris fahren, mit dem Zug, ist das möglich? (Je souhaiterais aller à Paris, en train, c'est possible ?). La dame me répond que oui. Je lui raconte mes déboires, en insistant sur le fait qu'entre le site de la DB (sur lequel, d'ailleurs, on ne peut pas acheter de billets internationaux imprimables à la maison, donc de toutes façons, c'était rapé à la base) qui est impossible et les gares qui ne vendent pas de billets de train, vraiment, l'Allemagne a des progrès à faire. Elle aquiesce, finit quand même par m'imprimer un billet et me dit Ah, et nous prenons cinq euros de frais d'émission. Ben voyons. Mais hourra ! J'ai mon billet.

Je pense que je vais traduire ce blogpost en allemand et l'envoyer par recommandé à la Deutsche Bahn, en leur disant qu'au lieu de mettre des écrans plasma dans la voiture bar, ils feraient mieux de payer un terminal de réservation à leurs gares. Non mais. De toutes façons, je m'en fiche, la prochaine fois, je prendrai l'avion, c'est plus simple.