Lucas dans l'embrasure de la fenêtre. La fenêtre ouverte. Et puis Lucas qui disparaît. Il n'est plus là. Voilà l'autre. Il approche ! Je ne dois pas bouger. Avec son uniforme, il me fait peur. Je vais lui sourire. Ne pas bouger. Je n'ai pas le droit. Je ne veux pas bouger. Je ne bougerai pas. Il ne me verra pas. La chute des corps est la même pour tous les corps. La gravité attire... je ne sais plus. Je ne me rappelle pas la formule. La fenêtre, j'aurais dû fermer la fenêtre. Où est Lucas ? La fenêtre est ouverte, je vois les arbres de la rue, les oiseaux. Lucas ! Mais laissez-moi, laissez-moi, je veux rejoindre Lucas ! Où m'emmenez-vous ? Je n'ai rien fait. Ce n'est pas moi. C'est la fenêtre. Ecoutez-moi ! Ils ne m'entendent pas. J'ai mal à la tête. Mal. Ah, je le vois qui m'observe, dans son uniforme blanc, son stéthoscope autour du cou. Il me regarde. Je ne dois pas bouger. Si je bouge, si je bouge il va m'emmener et je vais perdre la tête. Il va me donner ces bonbons dorés qui me font tout oublier. Oublier Lucas. Mal à la tête. Je ne veux pas oublier. Non ! Lucas ! Pas la fenêtre ! J'aurais dû fermer la fenêtre. Ils me regardent tous, tous en blanc. Et les autres, en bleu. En pyjama. Je hais ce pyjama bleu. Nous avons tous le même. Je suis moi. Pas les autres. Je n'ai rien fait. C'était Lucas. Où est Lucas ? Vous n'avez pas le droit. Je ne veux pas être enfermée. Je veux revoir Lucas. Il ne faut pas que je bouge, sinon il vont encore m'attacher. Les genoux serrés, les mains sur les genoux. Sans bouger. Ne pas bouger. Les voilà, ils arrivent. Ne pas bouger. J'entends les oiseaux. Par la fenêtre. Surtout ne pas bouger.

Photo Alain Bachellier

Photo Alain Bachellier, tous droits de reproductions réservés - texte écrit pour le dyptique d'Akynou