Ou plutôt, je préfère m'investir dans ces activitées extra-éditoriales parce qu'elles m'apportent plus de satisfactions. Bref.

Mais ce matin, un contributeur que je ne connaissais pas hier m'a écrit un mail en me faisant part de ses doutes quant aux contributions d'un ou deux contributeurs que j'avais déjà à l'oeil et surtout, en me disant qu'il avait plus ou moins renoncer à contribuer désenchanté qu'il était. Ce contributeur m'a l'air d'être un contributeur sérieux. Ses contributions, que j'ai parcourues, sont de qualité, il cite ses sources, bref, il a l'air bien sous tous rapports.

Pourquoi désenchanté ? Parce que dans ses périgrinations wikipédiesques, il est tombé sur un ou deux plagiats ou violations de droits d'auteurs énormes. Et le problème, c'est que ces actes ont été commis par des contributeurs jouissant d'une certaine réputation, plutôt catalogués dans la série "bons contributeurs" que dans la catégorie "vandales".

Si vous avez le courage, vous pouvez, pour un exposé complet de la question, voir mon intervention sur le bistrot à ce propos. Dans le genre lancer de troll, j'aurais pu faire difficilement mieux.

La question n'a pas vraiment été résolue, bien qu'elle ait suscité de nombreuses interventions (dont certaines intéressantes). Ce que j'ai trouvé particulièrement intéressant, cependant, est la foison d'avis pseudo-juridiques, la récupération du débat par les ennemis du fameux fair use et surtout les attaques contre les intégristes du copyright. Il me semble qu'il y a encore beaucoup trop de contributeurs qui ont l'impression qu'en mettant leurs écrits sous GFDL, ils abandonnent leurs droits d'auteur, au profit de ce qu'ils croient être une organisation (Wikipédia, en l'occurrence) dédiée à la liberté et dont la démarche serait de bousculer l'ordre établi et de lutter contre la culture marchande parce qu'elle permet la diffusion libre de la connaissance.

On se trouve là, à mon sens, devant trois interprétations erronées de ce qu'est Wikipédia et même, pour aller plus loin, de ce qu'est le monde du libre.

La première tient à l'organisation. Wikipédia n'est pas une organisation. Wikipédia est un projet de la Wikimédia Foundation qui, elle, est effectivement une organisation de droit floridien, à but non lucratif. Le nom Wikipédia est même une marque, propriété (ouh le vilain mot) de la même Wikimedia Foundation, marque déposée aux États-Unis. Comme le sont, dois-je le rappeler, les marques Firefox, Thunderbird, Debian et tutti quanti. La propension de certains contributeurs francophones à penser que chaque projet, et notamment Wikipédia en français est totalement indépendant de tout ce qui l'entoure est une erreur qu'il convient de rectifier. Demain, si la Wikimedia Foundation disparaît, il n'est pas certain que Wikipédia survive au naufrage. Il faut bien, après tout, que quelqu'un assure la subsistance matérielle du projet. On n'est pas le vingtième site le plus visité au monde en hébergeant des bases de données dans son jardin.

La seconde concerne les droits d'auteur. Cette vision quelque peu simpliste de la GFDL je contribue, je mets mes écrits sous GFDL, chacun peut en faire ce qu'il veut, cela ne m'appartient plus mais appartient au monde peut signifier à mon avis deux choses. Soit les personnes qui profèrent ce genre d'âneries ne veulent (peuvent ?) pas comprendre, soit nous (nous tous, acteurs du libre) ne sommes pas assez clairs sur ce que signifie "mettre ses oeuvres sous une licence libre". Je pense que les deux sont valables, à des degrés différents. Ne pas savoir que la notion de libre prend sa source dans la notion de droit d'auteur (copyright) équivaut, passez-moi l'expression, à se mettre le doigt dans l'oeil jusqu'à l'omoplate. Ce qui me dérange le plus, dans cette vision des choses, est que les contributeurs qui arguent du fait qu'ils "abandonnent" leurs droits d'auteur ont une certaine tendance à se déresponsabiliser par rapport au contenu. En gros ça donne Puisque je mets tout sous licence libre, que chacun peut réutiliser, je peux mettre ce que je veux et même des choses que j'ai piquées chez les voisins. Bien sûr, il faut les arranger pour pas qu'on me reproche d'avoir juste "copié". Et qui d'ajouter Et puis c'est bien fait pour ceux qui vendent la culture et la connaissance, na ! Le copyleft, qui est le fondement de la GPL et donc de la GFDL s'inscrit dans le droit d'auteur. Il impose simplement une licence (un contrat) qui oblige à la redistribution libre. L'auteur reste maître de son droit et surtout, n'abandonne aucune de ses responsabilités.

Enfin, on en vient à la notion de connaissance marchande, contre laquelle Wikipédia se battrait. Je ne nie pas que le principe de Wikipédia et de tous les projets Wikimédia, d'ailleurs, bouscule quelque peu l'ordre établi. Mais je restreindrai cela à un ordre social, plutôt que l'étendre à un ordre économique. Wikipédia et les projets afférents sont une espèce de phénomène collectif étonnant et détonnant, qui s'inscrit dans la démarche (pas tout à fait neuve, vous en conviendrez) du logiciel libre, mais qui s'applique à un champ d'action quelque peu différent. On sort du code et de la technique pure pour entrer dans un champ beaucoup plus large, celui de la connaissance humaine. Cependant, il ne faut pas oublier que les projets Wikimédia s'inscrivent dans un contexte économique quoi qu'il arrive. La Wikimedia Foundation n'a pas déposé la marque pour des prunes, mais bien pour pouvoir la monnayer. Il ne s'agit pas de monnayer le contenu, mais bien un nom, une renommée, une aventure afin de permettre à cette aventure de continuer. Tristan le dit très bien dans son analyse des différents aspects de Mozilla et notamment dans ce billet, où il rappelle que l'argent est un moyen, pas un but. Penser que Wikipedia est à l'abri et en dehors de toute considération économique est à mon avis une erreur grave. Surtout si cette analyse doit déboucher sur un dangereux on peut faire ce qu'on veut, puisqu'on est libre.

Pour finir, je dirais que je me suis peut-être posée en intégriste du copyright, sur ce coup là, mais que cela m'inquiète de savoir qu'il y a des intégristes du libre, qui estiment que leur liberté n'a pas de limite. Je préfère savoir que leur liberté s'arrête où commence la mienne.