D'abord PrincessH, qui donne de bons tuyaux sur l'utilisation d'illustrations sur le web. Ensuite aujourd'hui, La Boîte à images, un site que j'ai découvert il y a peu de temps et que je lis avec bonheur chaque jour, qui explique l'image sous toutes ses coutures. Son auteur vient de recevoir une facture pas drôle de 1 377,79 euros TTC, suite à l'utilisation qu'il a faite des photos d'un photographe allemand.

L'étonnant dans cette histoire, c'est que depuis maintenant deux ou trois mois que je me balade régulièrement dans la blogosphère francophone, je me suis posé la question à maintes reprises de l'utilisation qui était faite de diverses oeuvres soumises au droit d'auteur. Combien de fois au détour d'un blog ai-je trouvé des reproductions illicites ? Des centaines. Qui une photo, qui un morceau de musique (un mp3 tout à fait audible en écoute libre et téléchargement tout aussi libre), qui une illustration. Certains font plus attention que d'autres et pensent à mentionner l'auteur, l'interprète et/ou la source, d'autres simplement prennent, mettent en ligne et vogue la galère. Mais qui demande une vraie autorisation ? A mon avis, pas grand monde.

Mon expérience sur Wikipédia, et plus précisément sur Commons, m'a permis d'être confrontée à ce problème de droit d'auteurs à maintes reprises. Et quand je dis à maintes reprises, je pèse mes mots.

Commençons par un avertissement. Je ne suis pas juriste, n'ai pas l'intention de l'être et donc mon analyse ne doit se comprendre en aucun cas comme une interprétation du droit. Je vais putôt essayer de dire ce que j'ai compris et ce que j'en pense.

Sur l'ensemble des projets Wikimedia, tous les jours, des milliers de textes, de photos et autres documents sont ajoutés, qui sont le fruit du travail d'autrui. J'entends par là que celui qui ajoute un texte ou une image l'a trouvé sur un site externe et se dit que ça apportera quelque chose à l'encyclopédie, mais que celui qui l'ajoute n'en est pas l'auteur. Or les projets Wikimedia sont sensés proposer un contenu libre. Pas libre de droit, mais libre dans le sens de réutilisable à l'envie, selon quelques règles bien précises. Je passerai ici sur les licences libres, ce n'est pas mon propos. Cependant, les contributeurs oublient bien trop souvent que le fait qu'un texte ou une oeuvre est sur le ouèbe n'implique pas qu'on puisse en faire ce qu'on veut, comme on veut, bien au contraire.

C'est ici que les deux billets postés en ouverture posent bien le problème.

PrincessH propose ses illustrations en "libre" accès (notez les guillemets) sur son blog. Cependant, elle indique clairement en haut de son blog Tous droits de reproduction et d'exploitation réservés, avertissement qui ne saurait être plus clair. Cela dit, point n'est besoin de mettre ce genre d'avertissement. En l'absence de mention d'auteur ou de petit ©, le droit d'auteur le plus strict s'applique à toute oeuvre que l'on trouve sur la toile. C'est la raison pour laquelle, par exemple, j'ai quant à moi précisé que mon blog, mes images et mes illustrations étaient sous licence Creative Commons, sauf indication contraire (comme par exemple sur cette photo). Je donne un cadre à mon droit d'auteur. On peut réutiliser mon oeuvre (haha) dans le cadre de cette licence. Pour tous ceux qui ne l'ont pas précisé, c'est le droit d'auteur de base qui s'applique. Point. Et l'auteur peut à tout moment venir vous embêter en vous disant que vous n'avez pas le droit d'utiliser ses écrits, ses images, sa voix, sa musique...

Tout le monde sera d'accord pour dire que le droit d'auteur doit s'appliquer quand quelqu'un souhaite faire une utilisation commerciale de l'oeuvre (genre, je vais pas aller vendre un dessin de PrincessH au journal du coin).

Mais quid d'une utilisation à titre informatif, pédagogique, non lucratif ? C'est le cas de La Boîte à images. Et bien malheureusement, le droit est exactement le même. Je dis malheureusement, parce que Wikimedia est confronté au problème tous les jours. On l'a tourné dans tous les sens, ça ne marche pas. Une oeuvre est soumise au droit d'auteur, en France le droit d'auteur est imprescriptible. Il existe le domaine public (70 ans après la mort de l'auteur, tout le tremblement), mais il faut partir du principe que l'on est sauf qu'à partir du moment où l'auteur est mort depuis au moins le siècle dernier (histoire d'éviter les problèmes). Et même là, on peut être coincé. Parce que le droit d'auteur peut être double. Par exemple, la Joconde est tombée dans le domaine public. Il y a de cela un bail. Sauf que certaines de ses reproductions en photo par exemple, peuvent très bien être soumise à un droit d'auteur, celui du photographe. Ce qui entraîne un certain paradoxe des droits. Le sujet est dans le domaine public, sa reproduction est soumise aux droits d'auteurs. Bref, ça devient inextricable.

Revenons au sujet qui nous occupe, la facture [1]qu'a reçue Alain Korkos à propos de son utilisation de photos d'un photographe bien vivant. Il semblerait tout d'abord que la pratique allemande soit effectivement de

  1. évaluer le prix de l'oeuvre utilisée sans accord
  2. doubler son prix en guise d'amende
  3. envoyer la facture.

Et que cette démarche ait été validée par les tribunaux (Ca sert d'avoir un allemand sous la main, quand même). Mais bon, je l'ai dit, je ne suis pas juriste, encore moins juriste allemande.

A mon avis, la vraie erreur d'Alain, malheureusement, est de n'avoir pas contacté le photographe "avant". D'autant que franchement, tout auteur qui refuserait de se voir publier sur La Boîte à Images ne vaudrait pas la corde pour le pendre. Comme le dit bien PrincessH dans son point n°1 : Demander l'accord de l'artiste. est la condition préablable à toute utilisation. Tous les arguments qu'Alain donne aujourd'hui auraient été, dans une démarche préalable, des arguments de poids (trafic site web, but pédagogique etc.). Dans une démarche de défense, il sont à mon avis plus difficilement recevables. Pour l'avoir vécue plusieurs fois, la démarche préalable porte souvent ses fruits. J'ai vu ainsi de nombreuses images ou textes mis sous la licence adéquate pour être incorporées à Wikipédia, car l'auteur apprécie l'hommage, la démarche, le projet, le trafic généré, la gloire, que sais-je...

Mais, me direz-vous, c'est un but pédagogique, éducatif et tout le tralala, ça devrait être permis. Je suis d'accord. Ca devrait l'être. Ca ne l'est pas. Il y a des exceptions, elles sont très rares. Aux États-Unis, ils ont le fair-use, en France, on a le droit de citation qui ne concerne malheureusement que les écrits. Mais de droit à l'éducation, à l'information, dans ce domaine, point. C'est triste, c'est révoltant, il faut d'ailleurs se révolter [2]. Mais dans l'état des choses, c'est comme ça. J'ai bien peur qu'il ne nous faille mettre la main à la poche pour aider La Boîte à Images. Ce que j'espère en revanche, c'est qu'Alain ne va pas abandonner, parce que son travail, c'est un bonheur des yeux et des sens. Moi, je veux bien les écrire, les lettres aux auteurs, aux peintres, aux photographes, s'il faut en passer par là pour qu'il continue son aventure.

Notes

[1] edit 12h11 : Alain a retiré billet et facture de son site, avec juste raison, me semble t'il. Je retire les liens morts.

[2] Le site est en migration au moment où j'écris cela, le texte est aussi disponible ici