Bête que je suis, lorsque j'ai commencé à boire du café et à voyager, que je m'installais à la terrasse d'un bistrot au soleil, je demandais, comme à la brasserie parisienne ou auvergnate du coin, un "café". Jusqu'à ce que, aux Etats-unis, en Angleterre ou en Allemagne, on m'apporte un machin noirâtre dans une grande tasse (voire et c'est pire, une "mug"), un liquide brûlant au goût arriéré de truc brûlé. Les mots me manquent pour décrire la chose. Voilà ce que c'est que de ne pas avoir de préjugés (penser que les américains ne savent pas ce qu'est le café, quelle honte !) ou dans mon cas, de penser qu'ailleurs, c'est comme en France et quand on commande un café, ben on a un café.

Bernique. Dans les pays sans culture caféine, le café se boit au litre, au milieu de l'après-midi avec des gâteaux, dans un grand verre en plastique avec une paille, j'en passe et des meilleures. Pendant de nombreuses années, le vrai café, fort et puissant, le café qui vous réveille un mort, le café de l'après-déjeûner avec lequel la clope est la meilleure, le café qui vous remet sur les rails en deux gorgées, le café qui mérite son nom, n'existait tout simplement pas dans ces pays là. Quand on demandait du café, on se retrouvait avec un jus de chaussette (j'ai traduit l'expression dans plus de langues que je n'en parlerai jamais). Jusqu'à ce que je comprenne qu'il ne fallait pas demander un "café" mais un espresso. Pendant longtemps encore, l'espresso était cependant un mot issu d'un pays lointain et mafioso et peu de cafés (le lieu) le proposaient. Jusqu'à ce que Starbucks débarque. On dira ce qu'on voudra de Starbucks, s'il y a une chose qu'ils ont réussi à faire, c'est d'arriver à introduire dans les pays réfractaires la notion de café, le vrai. Du coup, quand les Starbucks ont commencé à fleurir, même le bistrot du coin qui jusque là préparait ses litrons de café le matin au réveil et les servait tièdes en fin d'après-midi s'est équipé d'une machine à espresso. Il fallait juste ne pas oublier de demander non pas un café, mais un espresso. Victoire.

Il est d'ailleurs intéressant de constater que si Starbucks a fait une percée fulgurante dans les pays non-caféinés au cours des années 1990, ils n'ont toujours pas de boutiques en Italie et ne disposent à ce jour que d'une vingtaine de coffee houses en France, toutes à Paris ou en région parisienne (\o/ la province fait de la résistance !). Forcément, dans un pays où quand on demande un café, on a un café, un vrai, leur business model fondé sur la découverte du café ne doit pas fonctionner de la même façon. En comparaison, il existe plus de 70 boutiques Starbucks en Allemagne.

En attendant, j'ai appris à demander ici un espresso plutôt qu'un café et enseigné à mes amis allemands qu'en France, mieux vaut préciser si on ne veut pas d'espresso mais plutôt un café super allongé. De toutes, façons, pour l'Allemagne, ça ne m'étonne qu'à moitié. Non mais c'est vrai quoi. Un pays qui ose proposer du Kaffee avec un K ne peut que n'avoir rien compris au café, avec un c - dit-elle en sirotant son jus de chaussettes noirâtre dans une grande tasse blanche...