Je viens de passer deux heures à la maternelle avec ma fille. Une sorte de galop d'essai pour la rentrée qu'elle effectuera en septembre, histoire de voir comment se déroule la classe et pour lui donner une idée de ce qu'est "l'école" dont on lui rebat les oreilles depuis six mois.

Petite section de maternelle. 23 gamins (vingt-trois). Et moi qui trouve que chez la nounou, cinq gamins c'est déjà compliqué. Vingt-trois gamins. Vous l'aurez compris, je n'en reviens pas. Je n'ai que des souvenirs vagues de la maternelle, peut-être même aucun, sinon ceux que l'on m'a racontés (genre le jour où je suis allée à l'école sans culotte, le jour ou J. m'avait piqué ma petite voiture et où la maîtresse lui avait donné raison quand il lui avait dit que c'était la sienne - premiers stigmates de sexisme ;) etc.). Bref. Du coup, se retrouver en observatrice (participante, parce que ma fille n'a pas pu s'empêcher de venir se réfugier dans mes jambes à un moment ou à un autre) immergée dans une classe de petite section de maternelle, ça vous en apprend un paquet sur la vie.

© Robert Doisneau - École rue Buffon, Paris V, 1956
© Robert Doisneau - École rue Buffon, Paris V, 1956

D'abord, que les enfants sont des êtres à part. De N. super smart qui finit son exercice 10 minutes avant les autres et a un sourire à vous faire tomber raide, à A. un peu moins smart qui a du mal à finir son exercice mais qui a un sourire non moins charmeur, on trouve L., un peu lente, mais surtout qui plane à 12000, M. qui fiche le boxon pendant deux heures, E. et L. qui rêvent d'attention et voulaient à tout prix me montrer leurs cahiers, j'en passe et des meilleures. Les enfants (dans le cas qui nous occupe, tous entre 3 et 4 ans), c'est un peu magique. Mais de là à en avoir vingt-trois...

Le plus dur, j'ai trouvé, c'est le niveau sonore. Soit j'ai des oreilles super sensibles, soit c'est vraiment bruyant, un groupe de vingt-trois enfants. Au bout d'une heure, j'avais les oreilles en compote et ne savais plus où donner de l'ouïe. En suivant, la frustration que doit engendrer la difficulté de se consacrer à tous les enfants. Bon, là, je suis restée deux heures, donc j'imagine que sur le long terme on doit pouvoir répartir un peu l'attention, mais quand même. Pour un même exercice, N. le fait en 5 minutes et A. se bat avec les dominos, les nombres, les gommettes pendant 20 minutes et n'arrive pas à le terminer correctement. On aimerait pouvoir l'aider, mais...

Enfin, ces deux heures m'ont fait prendre conscience d'une chose. Les instits sont eux aussi des êtres à part. Et du coup, je voulais par ce billet remercier tous ceux qui, bons ou mauvais (avoir des mauvais profs fait aussi partie de la vie), ont choisi (ou même n'ont pas choisi) d'éduquer nos enfants. Parce que franchement, vingt-trois gamins, c'est pas une sinécure. Sans compter que j'ai pu avoir une idée de ce que c'est que de se coltiner les quarante et quelques parents de ces enfants-là, qui, tels que je les imagine, remettent en cause chaque décision, chaque exercice, chaque mot... Merci donc, chers instits (et profs, je m'avance, on sait jamais) et je vous promets solennellement d'être une parente modèle et de ne pas vous prendre le chou pour des histoires triviales de lavage de dents, horaires de récré et autres trucs qui tombent sous votre jurisdiction. Je ferai mon boulot de mère à la maison et vous laisserai faire le vôtre, à l'école.

Sources

Photo (super copyrightée, je sais) © Robert Doisneau - École rue Buffon, Paris V, 1956